Faut-il uriner sur les piqûres de méduses ?

LES IDÉES REÇUES DES VACANCES (ÉPISODE 1) – Ce sont des préconisations connues de tous les vacanciers : ne pas se baigner après le repas, uriner sur les piqûres de méduses pour éliminer leur venin, boire des sodas au cola en cas de tourista, et cætera. Sortons les études scientifiques du sac de plage pour nous assurer que ces conseils ne sont pas bâtis sur du sable…

Les conseils de grand-mère à l’égard des piqûres de méduse sont nombreux ! En se référant aux études qui évaluent leur efficacité, on décompte plus d’une trentaine de stratégies : mettre de l’eau de mer, faire pipi sur la piqûre, mettre du sable, du vinaigre, du bicarbonate de soude, de l’alcool, du ruban adhésif…

En face, léger petit problème : il n’y a pas qu’une seule espèce de méduse, mais des milliers (et quelques bestioles apparentées). Dans les eaux européennes, on peut rencontrer une quarantaine d’espèces venimeuses. Et le venin des unes n’est pas le venin des autres. Il faut donc évaluer nos astuces au cas par cas.

Carybdea marsupialis : contre ses piqûres, le vinaigre, c’est bien.

Les piqûres de méduses ne sont pas seulement très douloureuses, elles peuvent également vraiment dangereux si elles sont étendues, si la dose de venin est importante, si l’on fait une allergie, etc. Toutes les techniques de premiers secours avec les choses que l’on a à portée de main (si j’ose dire, dans le cas du « urine-moi dessus je souffre ! ») méritaient donc vraiment d’être évaluées… et cela a été le cas, dans des dizaines d’études menées depuis des décennies.

Une excellente synthèse de toutes ces recherches a été réalisée par des chercheurs d’Ostende, en 2016. S’ils se sont amusés avec le titre de leur méta-analyse, « To pee or not to pee » (pisser ou ne pas pisser), le travail produit est extrêmement sérieux et fiable, chapeau (de plage) à toute l’équipe.

Cyanea capillata : le vinaigre est un excellent moyen d’attiser votre douleur et de vous faire regretter d’être né.

Constat des experts : ce qui fonctionnera pour un type de méduse est parfois inefficace avec une autre, quand il n’est pas même carrément déconseillé. Si vous vous faites piquer par une Carybdea marsupialis, le vinaigre vous soulagera, mais si c’est par une Cyanea capillata, vous allez danser…

Sachant cela, que devons-nous faire ? me demanderez-vous en trépignant de façon tout à fait légitime.

Option numéro 1 : demander sa carte d’identité à votre assaillant aquatique, ou partir à la plage avec votre encyclopédie des cnidaires, comme ça pas de surprises [1]. Toutefois, pas facile de se renseigner, même auprès des maîtres-nageurs, sur l’espèce qui se balade dans le coin.

Option numéro 2 : connaître ce qui marche généralement toujours, et ce qui est globalement une fausse bonne idée.

Ah, vous voulez peut-être savoir de quoi il s’agit ? Surtout si vous consultez cet article sur votre mobile et que vous êtes en train de maudire ces putains de saloperie de connasses de méduses à la con ? Donc, genre, urgemment ? Et si je pouvais arrêter d’épiloguer et de lambiner, ce serait pas mal ? En effet.

L’urine n’est pas ta copine

Alors pour l’urine… ça a été peu étudié mais, quand ça l’a été, c’est pour conclure « ça ne soulage pas, bien au contraire ». La raison est simple : les structures venimeuses qui jaillissent des tentacules et pénètrent sous la peau réagissent, outre à la pression, à certaines variations du milieu environnant. Or, typiquement, l’urine, comme l’eau douce, est une très mauvaise idée. L’alcool semble au mieux inefficace, au pire délétère. Presser avec des bandages, c’est mal…

Pisser sur les piqûres, pour douiller à coup sûr.

Parmi ce qu’on trouve à portée de main, ce qui soulage de manière réellement efficace, c’est simple :

  • de grandes quantité d’eau de mer
  • la chaleur, autour de 42-45°
Pelagia noctiluca : évitez à tout prix la méthode du mélange bicarbonate de soude + eau salée !

Si vous pouvez chauffer de l’eau de mer et immerger la zone touchée c’est parfait.

L’intérêt d’un mélange eau-salée bicarbonate de soude est avéré pour la plupart des espèces… mais la recette se révèle très délétère contre les piqûres la très commune Pelagia noctiluca, reconnaissable à sa couleur mauve. Sinon, les traitements anti-inflammatoires, même en comprimés, ça soulage apparemment très bien.

Voilà pour ce qui est de soulager ! Rappelons tout de même que ces stratégies ne remplacent pas l’appel à un médecin si la zone piquée est supérieure à la moitié d’un bras (ou d’une jambe), si le visage ou les parties génitales sont touchées, ou si vous constatez une réaction allergique sévère.

Et voilà un mythe rhabillé pour l’hiver ! Gardez votre urine pour vos séances de luthomictiothérapie

Retrouvez d’autres mythes estivaux ici… et d’autres mythes « tout court » ! Si vous souhaitez que je décortique d’autres « on dit » estivaux durant les semaines qui viennent (ou l’été prochain !), les commentaires vous sont bien sûr ouverts… [edit juillet 2019] D’ailleurs, pour ceux qui se demandaient si les méthodes préconisées dans cet article restent valides pour les piqûres de vives, vous trouverez la réponse ici.

@curiolog

Cette analyse de mythes a fait l’objet d’une chronique dans la Magazine de la santé de France 5 par votre serviteur en juin 2017.

[1] Oui, le fameux cnidaire surprise.

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