Mésinformation ou désinformation
J’emploie fréquemment dans mes interventions publiques le terme de mésinformation. Il me permet de créer une distinction utile avec le terme de désinformation, et des concepts qui lui sont attachés.
Le terme dispose d’une entrée sur le dictionnaire en ligne Larousse.fr, mais il n’est employé que pour désigner le produit d’une désinformation. Très peu d’auteurs francophones [1] emploient le terme de mésinformation dans un sens différent, et j’ignore si tous les concepts qu’ils lui associent recouvrent ma propre intention : je vous propose ici mes définitions [2] de ces deux termes, pour éviter toute logomachie…
La désinformation m’apparaît désigner un processus aboutissant à l’intégration, par un public, d’informations distordues, incomplètes ou fausses (avec des conséquences éventuelles sur certaines de ses décisions futures), ces altérations trouvant leur origine dans une démarche volontaire, avec pour objectif de tromper [3]. Parler de processus permet d’insister sur l’existence de relais, souvent passifs, à la désinformation. Dans cette représentation, le public est la victime de coups de canifs donnés à l’information qui lui est apportée. Il peut en devenir complice (en colportant l’information) ; mais c’est bien dans les premiers maillons de la chaîne d’information qu’est initiée cette manipulation volontaire de « l’opinion ». Certains imaginent la désinformation partout, d’autres l’imaginent plutôt rare, confinée à certains médias et à certains sujets.
Invité à arbitrer si les premiers sont paranoïaques ou les seconds naïfs, je propose un « pas de côté » en définissant ainsi le concept de mésinformation :
La mésinformation désigne le processus par lequel s’élabore et se diffuse une information distordue ou incomplète, du fait du manque de vigilance, d’un excès de confiance, de l’indolence, du manque de méthode, de l’ensemble des maillons de la chaîne d’information. Celui qui veut transmettre une information peut avoir accordé une trop grande confiance à un témoignage, une expertise, à un rapport, à ses propres connaissances ; il peut avoir mal délimité son sujet, mal formulé ses interrogations, aboutissant à formaliser un faux problème ; il peut avoir interprété certains faits au travers du prisme de croyances confondues avec une représentation légitime de la réalité ; il participe à l’altération du message à son corps défendant. Mais chaque relais de l’information prend sa part de responsabilité : toute personne qui colporte – souvent « de bonne foi » – les allégations sans chercher à en évaluer la fiabilité entretient la mésinformation. Le public qui reçoit, in fine, l’information biaisée, n’est pas seulement victime, mais également complice, en ce qu’il n’exerce pas son jugement critique à l’encontre de ce qui lui est soumis. Les responsabilités sont toutefois diluées, et inégalement réparties : plus on a à sa disposition d’outils critiques, et plus on est haut dans la chaîne d’information (c’est-à-dire proche de l’élaboration du message), plus la responsabilité m’apparaît grande.
Il me semble que beaucoup de personnes se jugent fortement désinformées lorsqu’elles sont essentiellement mésinformées. De même, beaucoup de gens, ne se croyant pas désinformés, se croient à tort bien informés. [4]
Les concepts de désinformation et de mésinformation peuvent être poreux, le premier alimentant souvent l’autre.
On pourra discuter la définition synthétique suivante : la désinformation est une mésinformation sous-tendue, à l’origine, par une volonté de trahir l’information.
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[1] Par exemple, un livre intitulé Journalisme et mésinformation a été publié en 1991 par un dénommé Andreas Freund chez l’éditeur La Pensée sauvage. Je n’ai pas lu cet ouvrage, et ne préjuge ni de ses qualités, ni de ses défauts. Si vous l’avez, je serais ravi d’y jeter un œil attentif !
À noter que le terme anglais « misinformation » existe, et fait généralement l’objet d’un emploi proche de son pendant français (c’est à dire synonyme de désinformation) dans la littérature (voir : http://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1529100612451018) bien qu’un certain nombre d’auteurs, se référant notamment aux travaux philosophe allemand Jürgen Habermas, intègrent la nuance que je propose de systématiser dans le présent billet (voir : https://core.ac.uk/download/pdf/10007.pdf)
[2] Ces définitions sont susceptibles d’évoluer au gré de nos échanges et de mes réflexions…
[3] À noter que, de mon point de vue, la confusion entre journalisme et communication (publicité déguisée, publi-reportage, native advertising, reportage complaisant…), relève typiquement de la désinformation. Il est probable que je revienne sur cette question dans les semaines/mois à venir.
[4] Il en résulte que l’esprit critique est la démarche intellectuelle qui s’oppose à la mésinformation.
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L’absence de preuve n’est pas une peuve d’absence, du moment que aucune preuve contraire réfute les dires. Comment pouvant nous dire que c’est une »fake new » si il y a absence de preuve. Si nous suivons les médias nous somme tous mesinformer dans ce cas, car rare son les études multiple vois carrément opposé cela peut prendre des années : exemple »effet de la cigarettes »’.
Comment faire dans ces cas ? je connais les effets du plombs ou du co2 sur le corp et je fait donc une déduction ? Mais dans ce cas on dira que c’est une fake new car absence de preuve…
Il s’agit simplement d’informer en l’état des connaissances (et de l’état des connaissances) en précisant un niveau de confiance/vraisemblance. Pour reprendre l’exemple de la cigarette, on a très tôt resserré le faisceau des présomptions. Voir sur ce blog les articles sur la démonstration de l’inexistence, et dans SSDOTG les chapitres consacrés à l’inférence.
Tout simplement la mésinformation est mauvaise information : Une Information incomplète, erronée ou obsolète relayée de façon non intentionnelle.
Désinformation : Communiquer sciemment de l’information fausse.
Oui, vous avez compris le propos. Je suis d’ailleurs ravi de voir que cette différence soit devenue consensuelle en quelques années… Les efforts ont payé !