Père Noël : pourquoi collaborer à la conspiration mondiale
Honnêtes gens de tous pays, citoyens attachés à l’édification d’un monde plus juste, cessez vos atermoiements. Abandonnez tous vos préjugés, reconsidérez les fondements de votre éthique, et venez grossir les rangs de notre confrérie de salopards splendides.
Est-il éthique d’abreuver les enfants de légendes stupides, d’idées reçues et de superstitions grossières, par prosélytisme, naïveté ou indolence ? Peut-on justifier le fait de leur raconter des fariboles et entretenir dans leur esprit malléable la confusion entre réel et imaginaire ?
À mon humble avis : non, à une exception près. Une seule [1]. Et on peut même y prendre un intense plaisir intellectuel, qu’une once de sadisme bienveillant pourra magnifier. Cette exception, c’est le mythe du père Noël.
Pourtant, a priori, les raisons de conspuer cette mystification sont innombrables. Je reprends à d’autres [2] les arguments les plus forts et les plus pertinents :
- cette mystification bafoue la confiance que les enfants ont dans les adultes, et le retour de bâton risque d’être violent [3];
- le père Noël est utilisé comme moyen de pression psychologique destiné à faire obéir les enfants pour de mauvaises raisons : le désir d’être récompensé, la peur de ne pas recevoir de récompense ;
- arguer d’une « nécessité de livrer à l’enfant sa part de rêve », c’est confondre tromperie et rêve ;
- on brouille la vision que l’enfant peut avoir de la réalité – d’ailleurs le père Noël sort du « conte » pour investir la réalité, jusque dans la maisonnée (ce qui est d’ailleurs sacrément flippant) ;
- le père Noël gâte plus les riches que les pauvres, ce qui donne quand même une sale image de notre société, surtout que les enfants le remarquent ;
- on entretient la frustration et/ou la gloutonnerie consumériste des enfants, sans leur faire prendre conscience de la valeur des présents (ce sont des elfes qui les fabriquent, alors c’est pas grave si c’est cassé, c’est pas comme si des parents qui ont des problèmes financiers s’étaient endettés pour les fêtes pour offrir « le mieux qu’ils pouvaient ») ;
- il place les maîtres et maîtresses d’école dans une fâcheuse situation, de se rendre complice d’un mensonge, à l’encontre de leur statut référent ;
- les adultes qui ne jouent pas le jeu sont déconsidérés socialement ;
Ces arguments portent. Le troisième point (la différence entre rêve et tromperie) est l’un des plus pertinents à mes yeux. Je crois que l’enfance doit être émerveillement, c’est-à-dire un apprentissage de l’étonnement, de la curiosité, de la surprise, de l’intérêt pour le quotidien et l’exceptionnel, du commun et de l’étranger, du plaisir de chercher à comprendre. L’enfance, ce sont aussi des récits incroyables et des mondes imaginaires à créer et à s’approprier, du « pour de faux » que l’on apprend vite à différencier du « pour de vrai » ; et beaucoup de choses beaucoup plus terre-à-terre, bien évidemment. En revanche, je ne vois rien justifiant le fait de perfuser l’enfance à la niaiserie. En outre, répondre aux interrogations d’un enfant par un mythe m’apparaît comme l’antithèse de ce que doit être l’éducation [4].
Pourquoi, alors, m’érigé-je en ardent défenseur du papa Noël ? Moi, qui milite avec force depuis tant d’années pour le développement de l’esprit critique des enfants, dès leur plus jeune âge ?
Précisément pour ces raisons.
Le père Noël est, il faut en prendre conscience, le fait paranormal le mieux établi au monde. Robert Todd Carroll, dans son Skeptic’s Dictionary, fait un résumé brillant du débat scientifique et sociologique sur le sujet :
[Le père Noël est] l’un des plus célèbres OVI (objets volants identifiés) de l’histoire. Le barbu prodigue et ses rennes volants ont été aperçus plus de fois que toutes les soucoupes volantes, le [bigfoot] et la Vierge Marie pris ensemble. Les témoins à l’âme pure et innocente […] sont légion. Or, qui irait se méfier d’un enfant, et à plus forte raison, de milliards d’enfants ? Ce sont sûrement des témoins fiables. On n’a aucune preuve qu’ils souffrent de troubles mentaux, et ils n’ont aucune raison de mentir. La seule explication plausible à tous ces témoignages, c’est qu’ils sont vrais. Personne ne verrait là-dedans un signe de confabulation. Et puis, s’il n’y a rien derrière cette croyance, comment se fait-il qu’elle soit si répandue ? Il ne s’agit sûrement pas de renforcement collectif, d’idées trompeuses ou d’illusions. Ce sont sûrement de véritables visions.
Cela étant considéré, le fait que le père Noël visite toutes les demeures de la Terre constitue : un miracle.
Évidemment, cela doit signifier que les rennes voyagent à des vitesses tachyoniques, en transportant des centaines de milliers de kilos d’étrennes quantiques. […] Mais peut-être qu’une technologie entièrement étrangère à notre planète entre en jeu, et que le père Noël possède des années-lumière d’avance sur nous. [5]
Vous serez bien obligé d’avouer que l’explication ci-dessus est particulièrement convaincante, et malaisée à déconstruire. Forger des arguments fallacieux pour sauver la théorie n’est que trop facile. [6]
Nous voilà donc avec le plus splendide des matériaux pour réfléchir, avec l’enfant qui découvre l’inexistence du père Noël, à la nature même du fait de croire. Et si l’enfant cesse de croire à ceci, il faut l’aider à comprendre pourquoi.
Pourquoi cesser de croire au phénomène paranormal le mieux établi de l’Histoire ? Et surtout : si l’on cesse de croire à celui-ci, est-il raisonnable de prêter foi à un quelconque autre mythe ? Comment différencier les croyances des faits solides sur lesquels édifier sa compréhension du monde ?
Toutes ces questions sont, à des degrés divers, à la portée de l’esprit d’enfants qui ont déjà commencé à déconstruire le mythe du père Noël. Il faut louer les ressources intellectuelles nécessaires pour admettre l’incroyable nature du père Noël – c’est-à-dire une mascarade d’envergure mondiale, impliquant une fantastique conspiration. Certes, ce sont souvent des discussions avec des enfants plus âgés qui ont instillé les premiers germes du doute ; mais le saut intellectuel vers l’incroyance (disons-le : vers la mécréance) est bien du fait de l’enfant.
Le père Noël constitue, en puissance, la matrice parfaite d’une réflexion sceptique féconde. Il ne tient qu’aux adultes de ne pas en faire un « acte de trahison », mais un fait d’éducation.
Lorsque je donne des cours d’esprit critique à l’université, je monte fréquemment des canulars (parfois assez élaborés) pour prendre au piège mes étudiants. Dans l’immense majorité des cas, le sentiment « de s’être fait pigeonné » laisse rapidement place au sentiment d’humilité face à cette vérité humaine suprême : tout le monde a déjà été le dindon d’une farce, et tout le monde est susceptible de se faire avoir, aujourd’hui et demain, car peu de choses prémunissent l’esprit contre les illusions, les faux-semblants, les tromperies et les escroqueries élaborées. Dans le cadre sécurisé de l’université, le piège n’a rien d’humiliant, puisque sa vocation est strictement et clairement pédagogique.
Reste que s’entraîner à douter (et à détecter le douteux) ne semble pas prémunir l’individu contre le fait de se faire berner dans des domaines dans lesquels il n’est pas aguerri, loin s’en faut. Les exemples abondent de champions du scepticisme scientifique qui se sont fait berner en beauté hors de leur zone de confort [7]. Est-ce à dire que le fait d’avoir expérimenté le « canular pédagogique du père Noël » (CPPN) ne sert à rien ?
À voir les enfants ne douter de rien (ou ne pas douter de grand-chose), alors même qu’ils ont remis en question le CPPN, on serait fondé à le croire. C’est précisément que le CPPN est un outil d’instruction, une référence dont il faut se saisir, et qu’il faut employer fréquemment comme exemple pour aider les enfants à forger leur raisonnement sceptique. Sans quoi, en effet, le CPPN ne sert à rien, et autant le vouer aux gémonies, sur la base des arguments présentés en introduction.
Mais ce billet pourra, légitimement, avoir soulevé une inquiétude. Le CPPN implique une formidable conspiration, qui met en jeu des milliards de complices, qui nous fait collaborer avec l’industrie des jouets, avec les médias de masse, les publicitaires, des escrocs (« pom pom pom, appelle le père Noël à ce numéro surtaxé avec le téléphone de tes parents, pauvre naïf »). Outre le fait que le prix à payer pour un canular éducatif (même de très belle facture) peut sembler un peu élevé… n’est-on pas en train de démontrer à l’enfant que des conspirations planétaires sont possibles, et donc d’en faire un complotiste/paranoïaque en puissance ?
Outre le fait que l’enfant n’a pas forcément conscience de l’étendue de l’affaire, je pense au contraire que le fait que le mensonge « ne tienne pas » bien longtemps démontre qu’aucune conspiration ne reste longtemps secrète. Notre conspiration pèrenoëlesque n’est possible que parce que TOUT LE MONDE, excepté une minorité (parmi lesquelles, essentiellement, ses victimes), accepte d’y prendre part. Une conspiration qui implique tout le monde n’a pas grand-chose à voir avec un complot (réel ou imaginaire) mettant en scène une minorité contre la majorité. Cela démontre alors que, pour qu’un complot mondial tienne, il faut qu’un nombre gigantesque de personnes y prenne part. C’est la raison pour laquelle les grands complots sont toujours éventés tôt ou tard ; et le CPPN en est une preuve flagrante.
J’espère vous avoir convaincu des vertus de ce merveilleux canular pédagogique. Vous êtes maintenant membre de cette terrible conjuration.
Quelques règles de conduite et d’éthique s’imposent aux conspirateurs[8] :
- comme moyen de pression psychologique sur les enfants, du CPPN tu n’useras pas ;
- de mauvaise foi tu n’hésiteras pas à abuser pour attiser la crédulité de tes jeunes victimes ;
- le père Noël jamais flippant ne sera, et jamais dans la maison sans invitation ne s’introduira ;
- la frustration et la gloutonnerie consumériste des enfants tu n’entretiendras pas ;
- une explication intelligente aux inégalités de traitement social du père Noël tu trouveras [9] ;
- les maîtres et maîtresses d’école aux vertus du CPPN tu initieras ;
- jamais tu ne tiendras grief à un adulte qui ne veut pas jouer le jeu de ce mensonge honteux, bien au contraire : un adulte qui refuse de se prêter à ce jeu constitue une preuve que le monde n’est pas exclusivement constitué de salopards ;
- de la complicité du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord jouir tu pourras ;
- devant la naïveté et la crédulité des enfants, attendri être tu pourras [10] ;
Voilà…
Un jour viendra où un enfant viendra vous voir, et vous dira :
– Mais alors, en fait, pour de vrai, le père Noël, il n’existe pas ? Ne mens pas, je sais, j’ai compris, hein.
– Ouaip. C’est un canular ; ça veut dire que tout le monde fait une immense blague.
– Mais pourquoi ?
– Chacun a ses raisons. Beaucoup de gens trouvent que c’est beau et joyeux d’imaginer qu’un être aussi fantastique puisse exister, et ils font tout pour faire croire aux enfants que c’est vrai, pour leur donner l’illusion d’un monde plus magique, plus merveilleux qu’il ne l’est. Je pense que c’est une mauvaise raison, parce que le monde tel qu’il est regorge d’innombrables vraies merveilles, qu’il faut apprendre à voir et à découvrir. Pas besoin d’en rajouter. Moi, je t’ai fait croire au père Noël pour une autre raison.
– Laquelle ?
– Oh, pour que tu te souviennes qu’il est assez facile de croire en quelque chose qui n’est pas vrai lorsque l’on a vraiment envie qu’il soit vrai, ou que l’on a un intérêt à le croire vrai (par exemple, les cadeaux !)… À certains moments de ta vie, des gens te raconteront de très belles histoires, qui seront des mensonges, et tu devras te souvenir que tout ce qui est beau, merveilleux, réconfortant, n’est pas forcément vrai. Mais rassure-toi, il y a beaucoup de choses réconfortantes qui sont vraies. Par exemple, que tes parents t’aiment et te protègeront aussi longtemps qu’ils le peuvent, du mieux qu’ils le peuvent. [11]
– Mais… Mais… Est-ce que tout ça veut dire que je n’aurai plus de cadeaux ?
– Non, évidemment. D’ailleurs regarde ton grand frère, il sait que le père Noël n’existe pas, et il reçoit toujours des jouets ! Ça n’a rien à voir. C’est nous qui les achetons, avec notre argent, et qui les offrons aux enfants, parce qu’on les aime, voilà tout…
– Hé mais… Ça veut dire que mon frère il savait aussi, et que lui aussi il a fait exprès de me raconter cette histoire ?
– Oui, c’est vraiment une belle petite saloperie. Mais ça, tu le savais déjà.
Joyeuses fêtes de fin d’année ou, comme on dit entre membres de la confrérie : Joyeux Noël ! Hin hin hin… [12]
[1] Cette exception n’est pas « la mort d’un animal ou d’un proche ».
[2] Voir notamment : Le père Noël a la peau dure, par Agnès Lenoire, publié dans Sciences et pseudosciences n° 270, décembre 2005.
[3] Si la découverte de la mystification du père Noël alimente et renforce la crise d’adolescence, vous l’aurez bien cherché, bande de salopards.
[4] De là à dire qu’aucun mythe d’ordre religieux ne devrait être inculqué à un enfant, il n’y a qu’un pas que je franchirai sans aucun mal, ah, tiens, d’ailleurs je suis déjà de ce côté de la rive. La religion n’a rien à faire dans l’esprit d’un enfant, bande de détraqués (je pourrais toutefois réviser cette opinion si l’on me démontrait que la découverte de la religion à l’âge adulte minait plus encore la rationalité de l’individu).
[5] Cette traduction est l’œuvre des Sceptiques du Québec. J’ai laissé dans la citation tous les liens vers leurs traductions du Skeptic’s Dictionary.
[6] Par exemple, on fera remarquer que si le Rangifer tarandus (nom binomial du renne/caribou) ne vole pas et ne supporterait probablement pas le voyage, rien ne prouve que les animaux qui tirent le traîneau du père Noël appartiennent à cette espèce. Qui, d’ailleurs, peut se targuer de connaître toutes les espèces vivantes de la planète ? Etc.
[7] Je consacrerai ultérieurement une série de billets à ce sujet passionnant. Enfin si vous manifestez de l’intérêt pour le sujet, sinon je peux vous parler d’autres choses…
[8] En usant de la figure de (manque de) style dite du « mi-« 10 commandements », mi-« maître Yoda » », agaçante certes, mais qui permet d’homogénéiser la liste à peu de frais.
[9] Comme le faisait remarquer un lecteur sur Facebook, « bonne chance avec celle-là »… Si vous trouvez quelque chose d’assez fallacieux, les commentaires vous sont ouverts ! Ah, que voulez-vous, quand il y a 10 commandements (et même ici quand il n’y en a que neuf), il y en a toujours un plus improbable et ardu que les autres, comme « tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain », « bonne chance avec celle-là ».
[10] Mais nourrir ta réflexion sur l’édification des croyances aussi tu pourrais. ^^
[11] Si vous trouvez ça trop niais, de un je vous emmerde (amicalement), et de deux vous pouvez dire : « par exemple, que les cochons savent parler mais font exprès de se taire, ça tous les adultes le savent… non, je plaisante, voyons », mais là, vous allez vraiment lui niquer la tête, à ce gosse, et là c’est à vous d’en assumer les conséquences, pour vous et pour la société, espèce de gros taré.
[12] Et non « ho ho ho ! »
Ahah ça me rappelle des souvenirs récents et c’est tout à fait comme ça que j’ai géré la chose, j’ai fait un parallèle avec la religion notamment, ou comment on peut faire croire plein de choses aux enfants et les maintenir dans une croyance, et qu’il faut toujours réfléchir et se poser des questions sur ce qu’on nous dit, même les personnes en qui on a le plus confiance, qui peuvent eux aussi avoir des croyances et les transmettre.
« Oui, c’est une belle petite pute »
Quand tu as un esprit critique, mais que pour un échange fictif tu es obligé d’être misogyne inutilement. (Et donc par conséquence de véhiculer de la misogynie)
J’ai gardé les termes d’un échange non fictif avec la personne qui m’a inspiré ce billet (qui n’était pas un enfant )… Je ne vois pas trop où est la misogynie, 1°) si on prend « pute » au pied de la lettre, la prostitution n’est pas l’apanage des femmes ; 2°) l’injure « petite pute » renvoie aussi peu, dans ma tête, à la prostitution, que le verbe « déconner » à un coït interrompu. Je ne suis pas (a priori) fondamentalement convaincu par l’argument, mais je ressens bien la « matière du débat », et ce qui vous fait tiquer. La chute de cette private joke (qui n’a jusqu’à présent pas fait tiquer les 10.000 premiers lecteurs) mérite-t-elle d’être réécrite ? Je ne sais pas… N’importe quelle grossièreté aura-t-elle le même effet littéraire ? Sûrement. Je suis ouvert à toute observation constructive… « Ne pensez-vous pas que le mot pute puisse colorer, aux yeux d’un certain lectorat, votre texte d’une certaine misogynie ? »… Mwé mwé… Je me dis que ça ne coûte rien d’y substituer quelque chose de sémantiquement équivalent, mais je reste tout de même moyennement convaincu. Je n’ai pas envie d’importer les débat « est-ce que le mot pute est putophobe », « peut-on considérer la prostitution comme une aliénation tout en n’ayant aucune animosité contre les personnes qui se prostituent », etc, sur ce billet fondamentalement potache.
C’est drôle, je viens de lire cet article alors que j’avais eu un débat sur le Père Noël la semaine dernière.
Je vais commencer par avouer que j’ai personnellement un biais contre le mythe du père Noël, simplement à cause de mon anecdote personnelle : j’ai littéralement fondu en larmes lorsque ma mère m’a avoué que ce n’était qu’un mythe. J’avais certes déjà entendu parler de l’idée que le père Noël puisse en fait ne pas exister avant que ma mère me l’avoue mais d’après mes souvenirs ça ne faisait que renforcer ma croyance au Père Noël.
Il est bien possible que les enfants se rendent comptent eux-mêmes de la supercherie, mais je crains que ce soit une épée à double tranchant, et qu’à la place ça puisse justement les entraîner à l’effet inverse c’est-à-dire le biais de confirmation et l’effet boomerang, d’ailleurs j’essayais de faire le lien entre le père Noël et les conspirationnistes de la Terre plate pendant mes débat de la semaine dernière. La fin de la croyance en le mythe du Père Noël peut donc soit être une période de doute et de transition de la part de l’enfant qui questionne ses propres croyances pour finir par s’avouer lui-même qu’il ne peut plus rationnellement y croire, soit une période d’effet boomerang qui s’achèvera par un dégoût total lorsqu’une autorité crédible (probablement un des parents) avouera la supercherie. Techniquement il y a aussi une troisième possibilité – une période d’effet boomerang et biais de confirmation face aux évidences contraires qui évolue par la suite en une réflexion critique personnelle et finalement un abandon en autodidacte de la croyance.
Je suis parti du principe que si jamais j’ai des enfants un jour jamais au grand jamais je ne leur raconterais l’histoire du père Noël comme une vérité plutôt qu’une légende, mais la lecture de cet article m’a fait reconsidérer cet avis. Il faut dire qu’avant qu’on m’avoue la vérité j’avais entendu parler de l’idée que le père Noël puisse ne pas exister – mais la question se limitait en un oui VS non sans aller beaucoup plus loin. Peut-être pour aider les enfants à comprendre que le père Noël est une farce il faudrait au moins leur donner les indices, par exemples les éduquer à la vitesse de la lumière et autres lois de la physique pour qu’ils se rendent comptent d’eux-mêmes qu’ils ont deux visions du monde qui se contredisent – une limitée par lesdites lois de la physique et l’autre qui autorise littéralement la magie d’exister. Combiné aux petits indices habituels du genre les parents qui ne te laissent pas les accompagner pour faire les courses contrairement à d’habitude ou les personnes plus grandes qui font entendre que ce n’est finalement un mythe, je sens que ça peut rendre l’application de l’abandon de la croyance au père Noël plus probable que sans ces notions de lois de la physique. D’ailleurs écrire ce paragraphe me rappelle une série de livre pour enfants dont je trouvais le concept génial alors que j’étais justement encore un enfant, la série de livres « Mais pourquoi » des éditions Le Petit Musc, qui fonctionne un peu sur le même principe : proposer deux visions différentes du monde et faire deviner à l’enfant laquelle est la bonne. Par exemple, dans le livre sur pourquoi la Terre est ronde, il y a la théorie officielle selon laquelle des poussières primitives se sont rassemblées sous l’effet de la gravité, et l’autre alternative où l’histoire racontée est que la Terre était autrefois cubique et qu’il y a eu un immense chantier pour la rendre ronde parce que les gens en avaient marre qu’elle tourne brusquement à chaque heure : https://booknode.com/mais_pourquoi_la_terre_est-elle_ronde___010023
Enfin peut-être que les enfants dans la majorité se rendent compte eux-mêmes de la supercherie et que mon cas de refus de considérer la possibilité que ce soit un mythe suivi de ma fondue en larmes est en fait beaucoup plus rare que l’autre décrit sur cette page, dans quel cas mon anecdote n’a pas tellement plus de valeur que les anti-vaccin qui insistent sur une connaissance qui a eu une mauvaise réaction pour dire à tout le monde qu’il faut éviter de se faire vacciner.
Pour ma part j’ai pas eu de problème avec ce mythe, en tant que maman. J’ai évité autant que possible de sortir de gros mensonges lorsqu’il y avait des questions du genre « mais tu l’as déjà vu le père Noël ? » « Non, et toi? ».
Ce qui est beau dans ce mythe (et je l’ai évoqué ailleurs sur le web il y a quelques années), c’est qu’on peut vraiment offrir sans attendre en retour puisque l’affection de l’enfant va vers la bienveillance du Père Noël et pas celles des offrants (pour le coup les étiquettes « Père Noël de Papy » ou « tonton » ça enlève toute valeur à mes yeux 🙂 ).
Alors, lorsque l’enfant découvre le pot au rose, c’est l’occasion de lui dire que, si si, le Père Noël existe, dans le cœur de milliards d’êtres humains à vouloir offrir discrètement/humblement aux enfants qu’ils aiment, et que lui aussi, à son tour, devient aujourd’hui un Père Noël.
C’est pas beau l’amour quand même ?
Sissone, aka Maman Bisounours.
Personnellement ce fut presque un traumatisme cette découverte. Raison pour laquelle, adulte aujourd’hui, je suis incapable de me rendre complice de cette supercherie. Un immense sentiment de trahison, que j’ai toujours gardé depuis. De l’incompréhension morale aussi (qui a finit par passer): mes parents disent que c’est mal de mentir mais l’ont fait sans scrupule. Mes parents sont méchant? Ou mentir c’est pas mal finalement? Aussi une sorte de brisure de la confiance. Non seulement mes parents peuvent mentir, mais en plus ils osent le faire à moi. Si ça se trouve, ranger sa chambre c’est mal et pas bien, etc. Quand ils disent que c’est pour bien, en fait ils peuvent mentir.
Sinon, plutôt que de dire que c’est un canular, présenter les choses de manière positive :
On est tous des pères/mères noël, et à une époque de notre vie, on endosse la responsabilité d’apporter de la joie aux autre en leur apportant des cadeaux.
Et on le fait sous le masque du père noël parce qu’on n’attend rien en retour à part des sourires et du bonheur. Techniquement, c’est bien « papa ou maman » qui fait des cadeaux, mais il ne le fait pas en tant que papa ou maman comme lors d’un anniversaire, il le fait comme le représentant de quelque chose de joli et de gentil.
On est tous des pères/mères noël
Et aujourd’hui ma chérie, toi aussi tu as la possibilité de prendre cette responsabilité, de devenir une mère noël, de faire des cadeaux aux autres sans rien attendre en retour, puis de confier cette responsabilité aux autres, en tant que représentante d’une unité qui recherche la paix et la joie
Ce texte est beaucoup partagé sur les réseaux dits sociaux cette année… Un petit commentaire s’impose !
Sur Facebook, je lis à propos de ce billet :
« C’est un article humoristique totalement à charge en faveur de la croyance (la couleur est annoncée dès le début). C’est rigolo et bien écrit mais il n’y a aucun contre argument, ni aucun compte tenu par exemple de l’étude complète de 2004 en sociologie sur les effets de la croyance au Père Noël sur les enfants https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2004-1-page-117.html « .
Et je réponds : EXACTEMENT !!! 🙂 (et merci, c’est gentil pour le « rigolo et bien écrit ».
Oui, ce texte potache n’avait initialement pas beaucoup + d’ambition, sinon me faire « avocat du diable » (rouge, le diable), et faire état de cette réflexion : pour moi, PN et petite souris ont été mes premiers vrais « chocs sceptiques ». Philosophiquement, ça a été très, très fort POUR MOI, mais cela n’a évidemment aucune valeur pédagoscientifique ^^ (d’où le ton général de l’article). Enfin, je trouvais que la question du caractère « skeptogène » (zétogène ?) de ce(s) mensonge(s) à grande échelle était un sujet peu (ou pas) traité. Je cherche encore et toujours des ressources sur la question ! ^^
Pour ma part, je ne me voyais pas ne pas évoquer le Père Noël, tout en sachant que cela risquait de blesser l’enfant ; mais d’une part nous blessons (presque) toujours nos enfants, ce qui est dans ce cas là première occasion de leur montrer qu’un adulte peut leur faire des excuses et reconnaître ses torts ; d’autre part lorsque l’aîné m’a posé la question de son existence (les autres ne nous ont jamais dit quand ils avaient cessé s’y croire), j’ai répondu qu’on pouvait voir ça comme une image de la chance qu’ils avaient d’avoir une famille qui aient les moyens de leur offrir des cadeaux (et ça permet d’aborder la question des inégalités). En revanche, comme souvent chez ceux qui ce croient sceptiques (je pense que Russel a détourné le terme de son sens, je préfère rester fidèle au concept antique de scepticisme, de suspension de tout jugement pour atteindre la tranquillité de l’âme) la représentation des croyances religieuses est naïve. Je suis athée, mais je sais (formation d’historiens) que la foi résiste très, très bien à la science. De Galilée (si,si, malgré sa condamnation) à l’abbé Lemaître, en passant par Descartes, Pascal, Newton, Leibniz ou Pasteur, bien des scientifiques sont demeurés croyants sans que cela leur sembla poser problème. Ils ont même parfois justifié leur foi par la raison (comme lorsque Descartes dans le discours de la méthode qui introduit ses études scientifiques utilise l’argument scolastique de la perfection divine comme preuve de l’existence de Dieu, quand à Leibniz, son œuvre entière est une justification de Dieu). Bref, il y a bien plus dans les croyances et les religions qu’une simple adhésion à des superstitions… Bien des athées sont aussi naïfs sur les religions que les croyants dont ils moquent pourtant les superstitions sans comprendre leur épaisseur culturelle et spirituelle.
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