Journalisme

Factcheck, fastcheck, factshake, fafcheck, etc.

C’est un anglicisme qui me semble (probablement à tort) omniprésent dans les médias. Force m’est de constater, notamment au gré d’interventions publiques ou d’interviews, qu’une grande partie de mes interlocuteurs n’ont qu’une idée vague non seulement de son sens, mais aussi de sa prononciation.

🔵 « Factcheck« , ou « fact-checking » : littéralement, la vérification de faits. En bon français, « journalisme de vérification ». Il s’agit d’évaluer si une affirmation factuelle diffusée dans l’espace publique renvoie à des données fiables. C’est un contrôle a posteriori des énoncés (politiques, journalistiques, etc.), en aval de leur circulation. Généralement, le « fact-checkeur » s’intéresse à des affirmations péremptoires, en essayant de savoir si son émetteur avait de bonnes raisons d’être aussi affirmatif. Si vous voulez en savoir plus, j’en cause brièvement ici.

🔵 Fréquemment, on m’interroge (au premier degré) sur le métier de « fast-checkeur« . Fast-checkeur, littéralement « vérificateur rapide ». Malheureusement, excepté dans de rares cas où l’exercice de « fact-checking » peut être fait très rapidement, ce travail prend du temps. Un « fast-checking« , c’est l’expression que j’emploierais volontiers pour désigner un fact-checking trop empressé, trop superficiel, bâclé. Tous les « journalistes de vérification » sont susceptibles de commettre, ponctuellement, un fastchecking. Trop de confiance dans une source bancale, pas assez de prudence dans l’interprétation d’une donnée ambigüe… Les exercices de « fact-checking » en direct, sur des plateaux télés, est extrêmement périlleux. Too fast, too perilous.

🔵 On voit plus rarement passer l’expression « fake-checking« , qui révèle probablement le présupposé selon lequel le fact-checking s’intéresserait exclusivement à déconstruire les « fake news » – c’est-à-dire les informations intentionnellement forgées pour tromper. Or, le fact-checking vise la vérification des allégations, qu’elles se révèlent vraies, imprécises ou fausse, et que leur fausseté soit intentionnelle (désinformation) ou non (mésinformation).

Partant de ces deux ou trois variantes courantes, je me suis mis à employer des formes alternatives du « fa*check ».

🔵 Le fact-shaking : littéralement, le secouage de faits. L’antithèse du fact-checking. Activité malhonnête consistant à sciemment sélectionner, détourner, déformer des faits bruts qui ne nous conviendraient pas.

🔵 Le faf-checking : fact-checker des déclarations de « faf » (partisan/militant de l’extrême droite française). Suppose souvent d’aller au-delà des simples données factuelles énoncées. Mon excellent confrère Cédric Mathiot (en charge du service CheckNews) le résumait fin décembre dans les colonnes de Libération : « quand Zemmour déclare que 2 millions d’immigrés sont arrivés lors du quinquennat, et ajoute que c’est autant de personnes qu’il faudra renvoyer de France, ce n’est plus l’erreur paresseuse sur le chiffre qui doit nous importer, c’est la suite, odieuse, du propos. Qui ne serait pas moins odieuse si Zemmour savait compter ». Et de citer notre autre confrère, Jalal Kahlioui, du Bondy Blog, à propos d’une précédente intervention du pétainiste médiatique : « Pas une fois repris sur sa xénophobie, le multirécidiviste a cependant été corrigé sur les chiffres de l’immigration et des exilés par la cellule fact-checking de BFM. L’honneur de la profession est sauf. On humilie l’humain, mais avec les bonnes statistiques. »

À la rédaction de ce billet, je me dis que ce club d’assonants faux-amis et autres potes-coquins pourrait assurément accueillir d’autres membres, à inventer. Tels :

🔵 Le fan checking : mansuétude dans la vérification de l’allégation d’une personnalité appréciée par le journaliste. Dans les cas les plus déplorables et les moins déontologiques, on parlera de « fawn checking » (vérification flatteuse, vérification cire-pompe).

Le roi de la province de Phakt-Shay (iconographie non contractuelle)

🔵 Le fat checking : pourrait adéquatement désigner un fact-checking extrêmement long (plus de 10.000 signes), détaillé, précis, et peut-être un peu fastidieux. Dans le jargon journalistique, certains parlent plus sobrement de « thèse ».

🔵 Le fast-shaking, ou « secouage rapide ». Il me semble que c’est une autre façon de parler de branlette (intellectuelle, éventuellement). On pourrait aussi parler de fap-shaking.

Autant de disciplines et d’activités qu’il ne faudra bien entendu pas confondre avec :

🔵 Le Phakt-Shay king : roi de la province de Phakt-Shay, territoire situé au nord du Sédistan et à l’ouest du Parlaba, traversé par les fleuves Tessure et Nanjpipot.

Quoique ce dernier point reste à vérifier.

@curiolog

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Une réflexion sur “Factcheck, fastcheck, factshake, fafcheck, etc.

  • J’aurais pu également ajouter le « fange-check », qui renvoie au fact-checking de propos relayés dans la presse de caniveau…

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