20 anecdotes improbables à propos de « Santé, science, doit-on tout gober ? »
Si les premiers mots de « Santé, science, doit-on tout gober ? » attirent l’attention du lecteur sur les licornes, les fées photogéniques et les « occurrences du mot pénis » présents dans l’ouvrage, ils passent sous silence bien d’autres de ses secrets. Et le lecteur d’ignorer que, derrière ce livre, se trouvent également « une araignée venimeuse, la conclusion d’un défi lancé quinze ans plus tôt, 40% de lignes gratuites… »
Plusieurs personnes m’ont suggéré de coucher sur le papier (ou à la verticale, sur un écran) les anecdotes les plus improbables, bien qu’authentiques, liées au processus d’écriture de « SSDOTG »… J’en ai arbitrairement retenu une vingtaine.
Avec ces éléments en tête, vous ne lirez plus jamais ce livre comme avant !
Les noirs secrets de monsieur Verdaux
1. Le chapitre ③ est le premier a avoir été écrit, à l’automne 2016, et n’a subi quasiment aucun changement au gré du processus d’écriture. Il était destiné à constituer la troisième partie du projet initial. Ce chapitre relate de façon à peine modifiée la mise en scène pédagogique développée dans le cadre du festival « Comment savoir si c’est vrai ? » de Vitry sur Seine, quelques mois plus tôt. Durant une semaine, environ 800 enfants se sont essayé à l’exercice de réinventer la méthode S, guidés par des médiateurs (talentueux) (que je salue) !
2. L’atelier proposé aux enfants de Vitry-sur-Seine s’ouvrait sur la diffusion d’une vidéo, en l’occurrence un détournement du journal de BFM TV, intercalé avec un faux reportage tourné quelques semaines plus tôt avec des amis. Le personnage de monsieur Verdaux y était joué par Nicolas Puaux, auteur, compositeur et interprète du groupe Narrow Terence.
3. Le nom de Verdaux renvoie à « verre d’eau » (élément clef du protocole scientifique proposé dans le chapitre) et à Monsieur Verdoux, film de Charlie Chaplin de 1947 que j’aime bien (qui raconte l’histoire d’un avatar de Landru, qui épouse puis assassine de riches veuves). J’aime assez l’idée que le bon monsieur Verdaux, dans le garage duquel vous jouiez les sourciers insouciants, puisse cacher des secrets aussi noirs que ceux du personnage de Chaplin…
Ponte pascale
4. Lorsque j’échange avec les lecteurs de SSDOTG, je suis surpris que si peu aient remarqué la particularité stylistique du chapitre ⑤, construit autour de la lettre P. Outre le fait qu’il s’agisse de l’initiale commune aux « huit sources d’information potentielles », tous les titres de sous-chapitres et d’encadrés commencent également par la lettre P. Pourquoi ? Pourquoi pas !
5. En fait, il y a plusieurs raisons à l’easter egg (ponte pascale) du point précédent. Tout d’abord, il veut suggérer qu’un examen trop rapide des informations que nous recevons (i.e. si on se contente de l’impression initiale) amène fatalement à confondre le faux et l’info : « si on regarde le dos des cartes, elles paraissent pareilles« , insistè-je d’ailleurs en conclusion du chapitre. Mais il existe une raison plus inavouable à cette polissonnerie prudemment planquée dans les paragraphes… J’entretiens en effet une étrange relation avec cette lettre de l’alphabet : dans les années 2000, sur les bancs de la fac de Lettres (ou peut-être un peu avant ?), j’ai ainsi écrit un long texte dont tous les mots commençaient par P ; en 2012, j’ai également créé un jeu de société alambiqué (et parfaitement crétin !) constitué d’un peu plus d’une centaine de cartes toutes différentes, dont le nom commence toujours par la fameuse lettre (voir illustration)…
Pas de bol
6. Le chapitre ⑦, « Le bol et la fourchette », est l’un de ceux qui m’ont demandé le plus de travail. Début 2017, j’ai rédigé un brouillon de ce chapitre, dont j’ai proposé une version abrégée au Magazine de la santé dans le cadre mes chroniques mensuelles (ce qui m’a permis de bénéficier de nombreux retours très utiles). Pas facile de rendre le sujet « léger »… L’idée d’utiliser des tomates cerises (je tentais alors d’en faire pousser sur mon balcon), adossée aux expressions « pas de bol » et « dans la fourchette » ont peu à peu rendu évident l’arrière-plan culinaire pour vulgariser ce sujet pas forcément digeste.
7. Souhaitant illustrer le livre avec de vieilles gravures, parce que j’aime bien les vieilles gravures (comme vous avez du le remarquer depuis trois ou quatre ans sur curiologie.fr), mon éditeur m’a demandé de trouver des images libres de droit. Problème : en dépit d’heures et d’heures de recherche iconographique, impossible de trouver un bol. Un talentueux internaute illustrateur a finalement pris la plume pour m’offrir le dessin tant espéré. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.
8. Je m’étais toujours promis de caser le mot infundibuliforme dans un livre (voir ce texte daté de la fin de l’année 2003). Grâce à l’encadré sur le « biais de publication » à la fin du chapitre ⑧, j’ai pu cocher cet item dans ma « liste des choses à faire avant de mourir », qui contient encore beaucoup de trucs dans le genre.
♫ L’araignée, l’araignée, l’araignée qui fait bien chier ♫
9. Dans la nuit du 1er au 2 août 2017, en plein cœur de l’écriture de SSDOTG, j’ai été réveillé par une très vive douleur au bras. Probablement l’une des douleurs les plus intenses qu’il m’ait été donné de ressentir. Après avoir ingéré des antidouleurs, j’ai également découvert qu’une petite araignée très laide cheminait sur mon sommier. Irrité, fatigué, j’ai occis la bestiole. Au petit matin, je me réveille avec la douleur toujours aussi vive, au niveau de l’aisselle.
Un doute naît alors en moi : et si l’araignée… Non, non : je sais bien que, sur le territoire français, il n’y a quasiment aucune araignée qui soit capable de mordre l’être humain. Encore moins à Paris.
Je vous épargne les nombreuses étapes de l’enquête, en vous priant de croire que j’ai bien pris toutes les précautions méthodologiques avant de conclure : l’arachnide nocturne était une Steatoda nobilis, ou fausse veuve noire, et était bel et bien la cause de l’intense douleur mentionnée plus tôt. Oui, oui, à Paris.
Si la douleur s’est dissipée en un peu moins de 60 heures, des séquelles ont perduré jusqu’à fin décembre : en l’occurrence, des épisodes de paralysie de certaines phalanges de la main gauche, et des démangeaisons violentes au point de morsure. La causalité de ces symptômes n’est pas définitivement établie, mais très vraisemblable (inflammation à proximité de nerfs ?). Les derniers symptômes ont disparu au printemps. Bref : la moitié de SSDOTG a donc été écrite avec entre huit et neuf doigts.
Et non, je n’ai pas acquis de super-pouvoirs. Et oui, je sais qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.
Fact-checking sur l’asphalte
10. Dans le chapitre ②, j’évoque une illusion perceptive et mémorielle liée à la recomposition du réel par notre cerveau : la plupart des gens s’imaginent que leur lit est à peu près aussi long qu’une voiture (on parle d’un berline, pas d’une Smart), alors que la seconde est environ deux fois plus grande que le premier. Chez moi, l’illusion est tellement vive que je suis allé vérifier la chose dans ma rue en écrivant le chapitre. En allant m’allonger à côté de plusieurs bagnoles, au mois de juillet, l’empirisme est un sacerdoce. Et donc je confirme, mon lit est bien deux fois plus petit.
Restés sur l’étagère…
11. L’après-propos du livre, concernant les « dan » d’esprit critique, était à l’origine la fin du quatorzième chapitre. Des petits soucis de santé m’ont empêché d’écrire les deux dernières pages du livre (l’après-propos, justement), et j’ai invité l’éditeur à déplacer la conclusion du chapitre ⑭ après le chapitre ⑮, car cela « fonctionnait » (dans l’idée d’un « manuel d’esprit critique », c’est tout à fait cohérent). Certaines notes de bas de page de la première édition de SSDOTG garde trace de cette décision de dernière minute, en renvoyant « à la fin du chapitre » plutôt qu’à l’après-propos.
12. J’avais proposé une illustration pour la couverture (une version miniature orne le présent billet), qui a été rejetée. L’éditeur voulait que ma binette apparaisse « parce qu’on m’avait déjà vu à la télé », ce que je voulais à tout pris éviter (notamment parce que je dénonce l’argument « vu à la télé » dans l’un des passages du bouquin). Une séance photo a été réalisée dans les locaux de l’éditeur. Après moult tractations et changements de maquette, le cliché qui a été retenu fut l’un des derniers du « shooting ». Sauf erreur, il correspond à un moment où j’étais littéralement « saoulé » par l’exercice, et où je me « tire une balle » (ce qui est cohérent avec l’exercice du « shooting ») à moitié en pensant à la qualité de l’info dans la presse, à moitié en pensant au fait que ma binette sera en couverture de mon premier bouquin. Pour le coup, avec le recul, la photo fonctionne vraiment bien sur le livre. Preuve que mon éditeur connaît son métier, le petit fripon.
13. Dans le même ordre d’idée, j’avais préparé quelques illustrations humoristiques « maison » pour clore un certain nombre de chapitres. Certaines parvenaient même à être drôles, c’est dire. Toutefois, elles dénotaient un peu trop des illustrations « gravures » du reste du bouquin ; je les ai toujours sous le coude, peut-être en ferais-je quelque chose un jour. Toujours dans la série « propositions rejetées », j’avais proposé que certains passages soient illustrés par des reproductions de tableaux avec de fausses légendes (comme il y en a plusieurs sur ce blog) ; mais ici, c’est leur manque de lisibilité en noir et blanc (en plus de quelques problèmes de droits !) qui ont eu raison d’elles.
« C’est vrai, ma tante… », un livre de 250 pages à paraître au printemps 2017
14. L’un des titres de travail de ce livre était « C’est vrai, ma tante l’a lu dans le journal ! » (ce qui me plaisait bien), mais l’éditeur voulait que les mots clefs « science » et « santé » soient dans le titre (ce qui se tient carrément).
15. Le projet présenté à l’éditeur était un « manuel d’esprit critique orienté information scientifique » en cinq gros chapitres, prévu pour faire moins de 250 pages. L’idée était de rédiger l’ouvrage entre le dernier trimestre 2016 et le premier trimestre 2017, pour publication à la fin du printemps. Problème : pour vraiment faire œuvre utile, il m’est apparu nécessaire de découper le livre très différemment. Le 14 juillet, après de longs mois d’écriture, j’ai littéralement déconstruit le manuscrit (avec des ciseaux) pour recomposer un plan en 15 chapitres. Ajoutant plusieurs mois de travail au projet initial.
16. Suite à la révolution (la date s’y prêtait) évoquée au point précédent, j’ai retranscrit un résumé des éléments à porter dans ces 15 chapitres sur une centaine de post-it. Ceux-ci ont tapissé le mur de mon studio durant plusieurs mois. Cette nouvelle déco évoquait à mes visiteurs l’ambiance d’un commissariat de police, avec une enquête en cours… Ce n’est pas la première fois que j’utilise ce procédé (efficace) pour mettre des idées au clair, puisque je l’avais utilisé pour mon premier « roman », écrit entre 1997 et 2002 – un machin de science-fiction philosophique jamais publié, dont je vous toucherai peut-être tout de même un ou deux mots un jour (car il y a un truc à sauver dedans).
17. Pour estimer le volume de texte à remettre à l’éditeur, j’ai fait une estimation au nombre de caractères total, au doigt mouillé. Selon ce calcul vite fait mal fait, 600.000 signes équivalaient à 250 pages. Raté, ça fait un peu plus de 400 (avec la biblio, ça fait 432). Est-ce à dire que j’aurais pu écrire un livre moins gros si j’avais vérifié la chose sur ma calculette ? Peut-être pas : j’ai essayé de dire ce qu’il y avait à dire… j’avais seulement mal anticipé le fait qu’il y avait tant à raconter. Le prix du livre (fixé très tôt par l’éditeur) ayant été calculé sur la base de 250 pages, vous pouvez considérer qu’environ 40% du livre est gratuit.
17 bis. Vous pouvez ajouter à ces « 40% gratuits » un autre bonus, puisque avec les digressions les notes de bas de pages au calcul, je vous ai offert une rallonge de 27% sur les 600.000. C’est cadeau, ça me fait plaisir.
18. Sur Twitter, j’ai posté durant plusieurs semaines de l’été et de l’automne 2017 des images représentant des nombres. Ceux-ci allaient décroissants. Ils correspondaient, secrètement, au pourcentage du livre restant à écrire, basé sur une estimation du nombre de signes restants à rédiger pour atteindre « 600.000 ».
19. L’ordinateur tout neuf acheté chez Darty pour rédiger le livre, un ASUS R540L, était tellement bugué que pas une ligne n’a été écrite dessus. L’intégralité du texte a été écrite sur l’ordinateur de mon amie Claire. Fidèle à son contrat de confiance, Darty m’a expliqué que dès lors que j’avais ouvert la boîte de l’ordinateur, il ne pouvait plus rien faire pour moi, et que je pouvais (en substance) bien aller me faire cuire le cul. Et oui, il faut être vraiment débile pour acheter de l’informatique (ou de l’électroménager) chez Darty, mais que voulez-vous, je n’ai jamais dit que j’étais futé.
20. J’estime avoir passé 800 heures derrière un écran pour produire ce livre : huit heures par jour, un week-end sur deux entre novembre 2016 et avril 2017, puis presque tous les week-end de mai et juin, suivi de 56 jours de huit à dix heures durant l’été, puis une soixantaine d’heures éparses en septembre et octobre. Le plus difficile n’étant pas de rédiger, mais de vérifier deux fois la validité de chacune des sources citées. Cette estimation ne tient pas compte de l’ensemble du travail bibliographique réalisé en amont.
Voilà… je ne sais pas si ce sont les vingt anecdotes les plus croustillantes que je pouvais trouver, mais j’avais envie de les partager avec vous !
A très bientôt sur curiologie…